Octave

Mon cher Oncle Cary, Tu viens d’entrer dans ton dix-septième lustre ; tes grandes facultés intellectuelles sont toujours très vives, je suis heureux de pouvoir te dédier un modeste livre qui traite de choses que tu aimas toute ta vie. Ancien maître imprimeur typographe et amant des Muses, tu comprendras mieux qu’un autre combien a été longue et ardue la tâche que je me suis imposée pour éviter l’écueil où tant de typographes ont échoué depuis si longlemps. Si je suis arrivé au but, c’est grâce à les savantes leçons et c’est un acte de haute justice de faire remoter jusqu’à mon professeur, le peu de mérite que je puis avoir en faisant paraître le premier Manuel de Typographie musicale. Reçois, mon cher Oncle, cette nouvelle preuve de ma constante amitié, Th. BEAUDOIRE. On dit que les Muses ont créé la Musique, et Aristide Quintitien nous apprend que le système des grecs était basé sur le tétracorde (quatre cordes) ou échelle de quatre sons qu’ils répétaient comme nous répétons l’octave. Les grecs notaient la musique à l’aide des lettres de leur alphabet. Vers le Vᵉ siècle, Boéce notait la musique au moyen de lettres différentes de l’alphabet latin ; vint ensuite la méthode dite grégorienne dans laquelle on employait : 1° les sept premières lettres majuscules de l’alphabet ABCDEFG pour l’octave grave, l’A représentait le LA grave ; 2° les sept premières lettres minuscules pour l’octave des sons médiaux ; 3° pour les sons aigus on doublait les minuscules. Un peu plus tard on ajouta une corde à l’octave grave, c’est-à-dire une note correspondante au SOL grave ; elle fut représentée par le gamma grec. L’échelle des sons commençant par le gamma prit le nom de “Gamme”. Dans chacune de ces gammes la note altérable SI, était représentée par les B, b ; on écrivait le SI naturel avec un b carré ; quand cette note était plus faible, plus molle, on employait un b rond ; ce sont ces deux lettres qu’on appelle maintenant bécarre (b carré, bémol (b mol). Après la notation alphabétique vinrent quelques essais de notation noire, mais du VIlᵉ au XIlIᵉ siècle, la plus grande partie des manuscrits en musique religieuse et profane fut notée par les Neumes, espèces de signes sténographiques. On les écrivait au-dessus des paroles à diverse hauteurs conventionnelles. Les sons aigus étaient représentés par l’accent aigu, les sons graves par l’accent grave ; plusieurs sons, modulés sur une syllabe, par des ligatures formées avec ces accents.